mercredi 30 décembre 2015

Mots doux

Ambiance de fête dans les rues piétonnières de Namur. Musique joyeuse dans les hauts parleurs, cris d’enfants venant de la patinoire, foule de couples déambulant bras-dessus bras-dessous ou main dans la main. Les femmes portent des grands sacs de boutiques, sans doute la robe ou les colifichets pour le réveillon, les hommes trimballent de lourds paquets, probablement les derniers achats de bouteilles de bulles.
Les terrasses chauffées sont bondées, les bistrots aussi. Les gens discutent, rient et s’envoient des mots doux pour terminer l’année en beauté. Et l’on entend par ci des « Allez bisous, bons réveillons et à l’année prochaine » et par là des « Je vous embrasse bien fort pour la nouvelle année, meilleurs vœux ».
Soudain, je croise un couple à l’air stressé et en quelques secondes je capte ces jolis mots crachés par le monsieur à sa madame : « Arrête de me casser les couilles, je t’encule, je te baise et tu fermes ta gueule, ok ? ». Je n’en reviens pas, je n’invente rien. J’entre alors dans une pâtisserie pour savourer un peu de douceur, une délicieuse tisane mélange de tilleul, verveine, citronnelle, menthe et fleurs d’oranger. Et j’oublie.

N’empêche que je voudrais bien connaître l’adresse de ce mec, juste pour lui envoyer une carte de voeux lui souhaitant dans son vocabulaire : « Une sacrée putain d’année de merde ».


mercredi 23 décembre 2015

Mal au ventre

Rendez-vous chez le gastro-entérologue à 8h30 ce matin. Le jour et l’heure ont été fixés il y a déjà un bon bout de temps. Je dois être à jeun. Je suis là un peu avant l’heure. Il y a déjà deux dames devant moi. On attend.
Les minutes passent, puis les quarts d’heure, les (im)patients s’additionnent dans la salle d’attente, le docteur n’est toujours pas là. Au bout de 45 minutes, son assistante vient nous dire qu’il est en retard. Ah bon ? On n’avait rien remarqué. Je calcule vite dans ma tête, au mieux je passerai dans une bonne heure. Mais ce n’est pas grave, hein, le temps s'écoule tellement vite dans une petite salle sans fenêtre, surbondée et surchauffée et où l’on a à se partager en lecture quelques « Femmes d’Aujourd’hui » - disons d’Hier, et même de l’An passé.
Et puis, quel plaisir de feuilleter un 23 décembre avant le réveillon de Noël quelques « Délices » de l’été, jolis et colorés cahiers de recettes proposant « 46 salades gorgées de soleil » et autant de plats pour « faire le plein d’énergie ».
Pour oublier l’aiguille de l’horloge et son lancinant tic tac, je tapote sur mon iPhone, mais je n’arrive pas à me concentrer sur les news et encore moins sur les tweets et statuts Facebook. Comment, en effet, ne pas être totalement envahi par la radio qui « berdelle », avec ces animateurs-humoristes qui ne font rire personne et ces jeux téléphoniques auxquels ne participent que les rares idiots qui ne connaissent pas les réponses et qui gloussent comme des dindes de Noël à l’idée de gagner une entrée à Walibi ou, Graal parmi les Graals, à Disneyland.
Pour nous reposer entre le suspense insoutenable des jeux et les bêlements de rire du DJ, on nous envoie une pause (moi, j’appellerais ça une baffe) publicitaire et quelques trémolos lyriques de Céline, Lara, Adèle ou autre voix puissante et haut perchée. On est sur Bel-Rtl (Bêle-Rtl). Moi, sur mes nerfs. Je me sentais pourtant bien avant de venir ici. Maintenant, j’ai mal au ventre.

Merci Mr le Gastro.








dimanche 15 novembre 2015

Trois pensées

The show must go on. Après l’horreur, il faut bien reprendre le dessus. Ne pas se laisser abattre. Revivre. Ou plutôt continuer à vivre. J’avais décidé que je n’écrirais rien pendant quelques jours, pas la peine d’ajouter des mots aux millions de ceux – et combien en trop ! – qui ont déjà été écrits, prononcés ou éructés à ce sujet.

Mais reprendre le dessus, continuer la vie normale, pour moi c’est impossible si je ne laisse pas mes doigts courir sur mon clavier. Quand on écrit un billet quotidien depuis aussi longtemps, c’est une addiction dont il difficile de se passer. Alors, j’écris et si vous pensez que mes mots sont superflus, ne les lisez pas, effacez-les.

J’ai donc repris ma petite vie ce dimanche matin dans mon jardin. Pour quelques besognes sans intérêt. Parmi celles-ci, il restait dans un coin trois pensées dans des petits pots à replanter depuis deux ou trois semaines. Je l’ai fait, mais en réfléchissant à mon geste. Repiquer trois fleurs en début d’hiver, c’est déjà penser au printemps, au renouveau, au beau temps après les jours glaçants.

Ma première pensée, je l’ai plantée en la dédiant à toutes les victimes des attentats de ce funeste vendredi 13. C’est la pensée de l’émotion.

La deuxième pensée, c’est pour mes enfants et petits enfants. C’est la pensée de la peur. Parce que oui, j’ai peur pour eux, pour leur avenir, pour leur vie dans monde de plus en plus féroce. Mais comme je l’ai entendu hier dans un débat politique intéressant et digne sur FR 2, la peur n’est pas un signe de faiblesse si l’on s’en sert comme catalyseur, moteur à réactions.

Enfin la troisième pensée est celle de la haine, oui de la haine envers la haine. Comme le disait dans le débat d’hier soir Jean-Luc Mélenchon dont je ne partage pas beaucoup d’idées mais que dans ce cas j’approuve à 100%, il est légitime d’haïr la lâcheté, l’intolérance, l’obscurantisme de ces assassins.


Oui, il est légitime d’haïr la haine. Et nécessaire de lui faire la guerre.


J’ai hésité entre mes deux blogs pour la publication de ce billet : le « gentil » habituel ou le noir « J’haine » ? Et j’ai opté pour les deux.






mercredi 4 novembre 2015

Le béton est dans le pré

J’habitais un beau village...

Avec une jolie église au milieu. Et des prés, des fleurs, des chevaux et des moutons autour. Avec un chemin pour les balades à pied ou à vélo en compagnie de mes petits garnements. Souvent, nous allions à l’épicerie de Pinou qui vend les meilleurs Kinder Surprise du monde et on les croquait, assis sur un muret en admirant le coq du clocher, les fleurs dans la prairie ou La jument dans la brume.

J’habitais un beau village... jusqu’il y a quelques jours.

En me rendant chez Pinou la semaine dernière, j’ai eu une mauvaise surprise dans mon Kinder. Sur le terrain vague en contrebas de l’église, là où cet été les villageois se réunissaient encore pour un barbecue de fête, des ouvriers assemblaient un gigantesque mécano de poutrelles d’acier. Je suis allé observer les jours suivants, et le mécano s’est rapidement habillé d’horribles plaques de béton. Désormais, entre l’église et la pittoresque Ferme du Quartier, se dresse un immense hangar qui abritera les moissonneuses-batteuses, les arracheuses de betteraves et les tracteurs géants de pauvres agriculteurs qui ont tant besoin de matériel effrayant comme ces vaisseaux de science-fiction pour bloquer les routes vers Bruxelles quand ils veulent manifester leur mécontentement.

Lorsque j’étais écolier, on nous apprenait qu’il existait deux types d’agriculture : l’intensive dans nos régions où les terrains sont relativement petits et l’extensive dans les grands espaces, américains notamment. Les monstrueuses machines de là-bas ont débarqué chez nous, et d’intensive ou extensive, l’agriculture est devenue intempestive, voire agressive, avec ses véhicules démesurés pour nos petites routes et ses hangars colossaux qui défigurent notre campagne.

J’habitais un beau village, mais ça c’était avant.





lundi 5 octobre 2015

Triangle de m....

Premiers jours d’automne, premières pluies grasses, premières récoltes de betteraves, premières embardées dans les fossés.

Je rentrais gentiment de l’école ce lundi soir quand j’ai dû freiner brusquement tout en essayant de ne pas déraper : une voiture devant moi s’était soudainement mise à tournoyer sur elle-même et à valser jusque dans le fossé. Ouf ! pas trop grave pour le conducteur quand même vachement secoué, mais mortel pour sa voiture.

Pas le temps de perdre du temps : il faut immédiatement sécuriser les lieux et avertir les voitures qui vont débouler derrière nous. J’allume mes feux de détresse et sors mon triangle du coffre. Vite, je le déballe de sa belle boîte rouge et tente de l’ouvrir sans perdre une seconde. Je suis un peu nerveux comme on l’est dans ce genre de situation car je veux aller le placer au plus vite en bas de la pente, juste avant le tournant, là où est le danger... mais crac, les pièces qui le composent se détachent dans mes mains et le voilà inutilisable. Faut dire qu’il est en plastique de très mauvaise qualité et que ses pieds ne sont attachés que par des vis ultra-fragiles...

Si je tenais l’équipementier qui a choisi ce matériel de sécurité pourri - il n’y a pas de petites économies - je ne sais pas vous, mais moi je sais bien ce que j’aurais envie de faire avec ce triangle !

mardi 22 septembre 2015

Das Skandal

C’est la première marque automobile pour laquelle j’ai travaillé: VW, Das Auto. À l’époque, dans les années soixante septante, VW était bien plus qu’une marque, c’était un mythe, une icône de la pub. Des annonces remarquables, petites perles d’imagination et de style. Un exemple pour tous les concepteurs-rédacteurs. Bill Bernbach, le père-fondateur de cette nouvelle approche de la "réclame" désormais publicité nourrie de bons sens, d’humour et de talent, apportait un peu de noblesse et de respectabilité à un secteur d’activités jusqu’alors aux mains rarement propres, de Mad Men sans foi ni loi.

Avec VW et quelques autres marques comme Avis ou Uniroyal, Bernbach et son agence DDB m’ont donné le goût, que dis-je, la passion de mon métier que j’ai toujours essayé d’exercer avec enthousiasme et honnêteté jusqu’à ma retraite. Aujourd’hui encore, en tant que prof, il m’arrive de parler de cette époque et de VW qui avait instauré avec ses clients et futurs clients, une pub-dialogue fondée sur la complicité, l’empathie, la confiance. Et la créativité ! Des valeurs qui n’empêchent pas - il suffit de voir le succès de Volkswagen - la réussite commerciale.

Et aujourd’hui, patatras, cette marque synonyme de confiance, celle dont la saga publicitaire riche de plusieurs décennies de génie est sans pareil, cette marque pour laquelle les meilleurs publicitaires ont donné le meilleur d’eux-mêmes, leurs meilleures idées, leurs meilleures textes, leurs meilleures photos, cette marque à laquelle j’ai consacré modestement quelques-unes de mes meilleures années... cette marque a trahi son âme, trompé des millions de clients, pollué l’environnement. Et aussi tué une partie de mes rêves.

Honte à ses patrons indignes. Et tellement cons.