mardi 22 septembre 2015

Das Skandal

C’est la première marque automobile pour laquelle j’ai travaillé: VW, Das Auto. À l’époque, dans les années soixante septante, VW était bien plus qu’une marque, c’était un mythe, une icône de la pub. Des annonces remarquables, petites perles d’imagination et de style. Un exemple pour tous les concepteurs-rédacteurs. Bill Bernbach, le père-fondateur de cette nouvelle approche de la "réclame" désormais publicité nourrie de bons sens, d’humour et de talent, apportait un peu de noblesse et de respectabilité à un secteur d’activités jusqu’alors aux mains rarement propres, de Mad Men sans foi ni loi.

Avec VW et quelques autres marques comme Avis ou Uniroyal, Bernbach et son agence DDB m’ont donné le goût, que dis-je, la passion de mon métier que j’ai toujours essayé d’exercer avec enthousiasme et honnêteté jusqu’à ma retraite. Aujourd’hui encore, en tant que prof, il m’arrive de parler de cette époque et de VW qui avait instauré avec ses clients et futurs clients, une pub-dialogue fondée sur la complicité, l’empathie, la confiance. Et la créativité ! Des valeurs qui n’empêchent pas - il suffit de voir le succès de Volkswagen - la réussite commerciale.

Et aujourd’hui, patatras, cette marque synonyme de confiance, celle dont la saga publicitaire riche de plusieurs décennies de génie est sans pareil, cette marque pour laquelle les meilleurs publicitaires ont donné le meilleur d’eux-mêmes, leurs meilleures idées, leurs meilleures textes, leurs meilleures photos, cette marque à laquelle j’ai consacré modestement quelques-unes de mes meilleures années... cette marque a trahi son âme, trompé des millions de clients, pollué l’environnement. Et aussi tué une partie de mes rêves.

Honte à ses patrons indignes. Et tellement cons.





vendredi 11 septembre 2015

Les Schumi du vendredi

Quand j’y pense, j’en tremble encore.

J’habite un joli coin de Wallonie et les routes qui y mènent incitent à la flânerie. Disons plutôt devraient inciter. La vitesse y est limitée à du 70 voire du 50 km/h. Les paysages de céréales et de betteraves, les horizons lointains, les ciels bleus et moutonnés, les doux pâturages et les longs tunnels de frondaisons verdoyantes devraient inciter, dis-je, à la flânerie, à la balade, à la quiétude. D’ailleurs, ces petites routes, dont la merveilleuse allée des 40 Bonniers, sont souvent empruntées par des cyclotouristes et des pépés automobilistes - dont je fais partie - qui respectent les limitations de vitesse et profitent du coup d’œil. Mais ils ne sont hélas pas seuls sur la route. Surtout aujourd’hui.

C’est vendredi, le soleil tape dur et pour de nombreux « pilotes du week-end » dont le nombre de neurones est inversement proportionnel à la quantité de chevaux-vapeur que développent leurs grosses cylindrées généralement teutonnes, ces petites routes évoquent la piste de Spa-Francorchamps et les virages de Monza. « Et vas-y que j’appuie sur l’accélérateur et que je m’en fiche de ces emmerdeurs qui pédalent et de ces vieillards qui traînaillent. Je vais deux fois plus vite que ce qu’indiquent les panneaux, et alors ?  je m’en tape, je balaie la route de grands appels de phares, dégagez s’il vous plaît, laissez passer ma Bèèèèèème ou mon Audiiiiiiiiii ou mon quatrefoisquaaaaatre !

Quand j’y pense, j’en tremble encore.

Cet après-midi, un crétin – ou une conne – je n’ai pas eu le temps de voir, a déboulé d’un virage en plein milieu de la route et a foncé à plein tube droit vers ma voiture. Heureusement, moi je sais conduire, j’ai donné un grand coup de volant à droite, touché la bordure mais ai évité que cet abruti – ou cette imbécile – me percute. Et me tue. Ouf ! j’en tremble encore. Quant à lui ou elle, il ou elle n’a rien remarqué, il ou elle a continué sa course comme si de rien n'était. Peut-être s'est il ou elle planté(e) plus loin dans le décor. Je ne peux pas souhaiter cela mais je fulmine contre tous ces connards qui se prennent pour des champions et roulent comme des cinglés.
Et je me rappelle qu’il n’y a pas si longtemps, je crois l’avoir déjà raconté dans un des mes billets, l’un d’eux m’avait dépassé en coupant une ligne blanche et arriva ce qui devait arriver. Alors qu’il était à ma hauteur, un gros engin agricole a surgi en face de lui, j’ai pilé sur mes freins pour qu’il puisse se rabattre et ... ne pas mourir décapité par les dents de labour à l’avant du tracteur. Quand il s’est retrouvé devant moi grâce à Dieu et à mon pied droit, je lui ai envoyé un petit appel de phare dans le rétroviseur pour lui signifier de se calmer et, aussi, pour me soulager de l’angoisse que je venais de vivre.

Il m’a remercié d’un élégant doigt d’honneur et a violemment accéléré pour à nouveau foncer sur la petite route. Parfois, je me dis que je n’aurais pas dû... allez, non, je ne peux pas penser cela.






samedi 5 septembre 2015

Oh la vache !

Allez, meeeuuuuh, c’est reparti !
Lundi noir en vue : chaos routier prévu sur Bruxelles et ses accès. Les agriculteurs et leurs tracteurs descendent sur la capitale pour manifester leur colère contre le prix intenable du lait. Ils ont sans doute raison dans leurs revendications, mais faut-il, une fois de plus, que quelques milliers d'individus bloquent des millions d’autres pour se faire entendre ? 
Certains, je les entends déjà, "gueuleront" dans des micros et des mégaphones qu’aux grands maux les grands moyens, que la population doit être solidaire, que c’est une manifestation – je l’ai lu – citoyenne. Ah bon ? Empêcher des gens d’aller à l’école, au boulot ou... chez le médecin (c’est mon cas, j’ai rendez-vous chez un spécialiste à 8h30... autant dire que je ne le verrai pas avant un mois), c’est « citoyen » ?
Ce qui me fait rager, c’est le réflexe devenu normal pour les mécontents de foutre le b....., de gêner les autres et de les prendre en otages. Et tant pis, si ces derniers se retrouvent dans la bouse. Mon agence a un jour perdu un « new business » important car je n’ai pu me rendre à la présentation, bloqué pendant trois heures par des tracteurs – déjà – sur le ring à hauteur de Waterloo. Oh ! je ne me crois pas indispensable, mes collègues bruxellois qui avaient pu rejoindre l’endroit de la réunion en vélo, en métro ou à cheval étaient parfaitement capables de faire le show. Mais à l’époque, on n'avait pas encore de smartphones, de tablettes ni de portables pour montrer les projets. Il n’y avait que des layouts (maquettes) sur cartons.

Et ceux-ci étaient dans ma voiture, dans une grande farde en cuir qu’on appelait, dans le jargon professionnel, une VACHE !

(Photo Le Soir)


jeudi 3 septembre 2015

La photo de la honte

Je ne la montrerai pas, vous l’avez vu des dizaines, des centaines de fois depuis ce matin. Un petit garçon mort noyé et échoué sur une plage turque, un petit migrant syrien. 
Horreur. Chagrin. Nausée.
Nausée parce que le drame des migrants est insupportable. Nausée aussi parce que cette photo est diffusée et partagée à tire larigot par tout le monde et n’importe qui. Des journalistes, des journaleux, des bien-pensants, des culs-bénits, des voyeurs.
Et surtout des « moralistes » bien assis devant leur mur Facebook comme le Dieu malfaisant du nouveau film avec Poelvoorde dont l’interview et le cinéma sordide dans les médias ne me donnent pas du tout envie d’aller le voir. 
Mais qui sont donc ces gens qui chaque jour déversent leurs leçons sur mes écrans ? 
De quel droit me font-ils la morale et me culpabilisent-ils avec leurs commentaires de tribunal du genre: «la photo de la honte», «l’enfant sur la plage où les touristes bronzent et font la fête», «la photo qui devrait choquer tous ceux qui ont un coeur ». 
J’ai vu cette photo, merci pour cette information épouvantable. Il n’est pas nécessaire de la diffuser encore et encore et encore. Et surtout épargnez-moi vos commentaires qui me disent ce que je dois en penser, vous que je ne connais pas et qui ne faites probablement rien de plus que moi pour résoudre ce problème.  
Si vous voulez vraiment qu’aucun migrant ne périsse plus, il n'y a pas trente-six solutions: fermez votre ordinateur et ouvrez votre porte.







mercredi 2 septembre 2015

Lâchez-nous les poches !


Je reprends la route de l’école ce matin avec au programme les délibérations pour les étudiants ayant dû présenter une seconde session d’examens. Tout ce qu’il y a de plus désagréable, selon moi, dans l’activité d’enseignant. Jouer au contrôleur, vérifier des comptes d’apothicaire, sanctionner. Moi ce que j’aime, c’est apprendre à apprendre, échanger, créer. Pas compter. Bref, je ne suis pas de bonne humeur ce matin.
Comme j'ai de l'avance sur mon horaire, je m’arrête à la station d’essence de Thieu pour y acheter un journal et avaler un café et un croissant. Thieu, pour ceux qui l’ignorent, c’est entre La louvière et Mons, une région du pays particulièrement florissante, où le taux de chômage tourne autour des 25% de la population active. Donc dans la cafétéria de la station, on trouve surtout quelques inactifs, quelques voyageurs de commerce et quelques touristes de retour de vacances, c’est la semaine de la rentrée. Donc, de belles cibles à ponctionner. Dont moi-même d’ailleurs qui donne quelques cours en plus de ma retraite et ne restitue qu’un peu plus de 50% sur les trois francs six sous de rémunération plantureuse que me rapportent mes cours. Mais je l’ai déjà écrit, ce n’est pas cela qui me motive. Mais il ne faudrait pas non plus me prendre pour un gogo ni un bénévole naïf.
Alors quand je suis sorti de la buvette et que j’ai vu devant la porte d'entrée la camionnette et les agents de la « Brigade de Contrôle des taxes » de Wallonie, la nouvelle armée lâchée sur nos routes pour vérifier si nous avons bien payé nos taxes de circulation, j’ai râlé : « Mais va-t-on un jour nous lâcher les poches ? Nous foutre la paix ? Arrêter le harcèlement fiscal ? ».
La Wallonie ferait beaucoup mieux de lancer des « escadrilles de contrôle d’impôts » sur les vols (sans jeu de mots) à destination de la Suisse, des îles Caïman, des Bermudes, que sais-je encore ? Là où se retrouvent les vrais, les gros fraudeurs.
Parce que franchement, entre nous, c’est quoi cette provoc sur le tarmac de la station d’essence de Thieu en Hainaut, un des coins les plus pauvres de Belgique ? La semaine du retour au travail, en plus.